Chuck Schuldiner Project

Saturday, May 23, 2015

Interview avec A.L de Cowards


A l’issue du superbe concert célébrant les 5 ans d’existence du label  Throatruiner, j’ai eu la chance de pouvoir caler un entretien avec le guitariste et fondateur du groupe Cowards afin de discuter du groupe, de leur nouvel album fraîchement sorti dans les bacs ainsi que leur positionnement vis-à-vis de leur rattachement au hardcore.

-Vos impressions sur le set de ce soir?
C'était un peu compliqué étant donné qu'on avait un nouveau batteur ce soir. On avait un batteur de remplacement, notre batteur avait un concert avec un autre groupe. Il y a eu des moments difficiles mais il a bien su assurer quand même. Je pense que ce n'était pas si mal.

- Pourrais-tu parler de votre relation avec le label Throatruiner et comment vous avez été amenés à signer sur ce label?
Bah c'est très simple en fait. En 3 ans je n'avais pas de groupe, j'ai monté un nouveau groupe, on a commencé à enregistrer, on a fait écouter à Matthias et il nous a dit "c'est chanmé, j'le sors". Il a sorti nos trucs et depuis on est obligé d'être un vrai groupe *rire*.

- Vous venez de sortir votre deuxième album, intitulé "Rise to Infamy". Est-ce qu'il y a eu des changements notables au niveau du son ou de l'écriture par rapport à l'album précédent?
Ce qui a changé, c'est qu'en vrai c'est le vrai 1er album qu'on a fait en tant que groupe, en tant que 5 types qui sont devenus un groupe. C'était un vrai effort collectif, on a essayé et je pense qu'on a réussi à pousser un peu le délire qu'on voulait avoir.

- Vous êtes également un groupe originaire de Paris. Est-ce que vous vous sentez justement rattaché à la scène Hardcore de Paris ?
On s'est toujours senti un peu à l'écart, on n'a pas du tout la même approche. On ne défend pas l'esprit de scène, on ne défend pas la "fédération" du rock, du hardcore et tout ça. On a une approche vachement plus négative du truc. On a des copains, mais on n’en a pas beaucoup et on ne suce pas la bite aux gens qu'on n'aime pas. Après, il y a beaucoup de gens qui se bougent à Paris, qui essayent de faire vivre une scène mais c'est compliqué quoi. Prends par exemple un type comme Benoit Longueville, qui a fait cent mille groupes; il a commencé Providence, il a fait Black Spirals... Il fait des groupes tous les 6 mois, le mec ne sait pas s'arrêter. Il organise plein de concerts, tous les concerts de hardcore plus traditionnels, il fait venir plein de groupes américains... Il se fatigue à faire ça, et lui il me dit souvent qu'il a l'impression que le retour est ingrat quoi. D'un côté j'ai envie de lui dire "toi, est-ce que tu te bouges à un concert d'un groupe que t'aimes pas? Bah non". Nous on est pas les meilleurs clients du monde, tu nous vois pas souvent en concert, et c'est parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qu'on aime bien. Par contre s'il y a un groupe qu'on aime bien, on y va.

- Concernant la hardcore à l'international, est-ce que t'as plutôt une vision positive ou négative de son évolution depuis ton initiation ?
Je suis la mauvaise personne à qui poser cette question, parce qu'on nous appelle un groupe de hardcore mais on n'est pas du tout des gens du hardcore. Je ne connais pas vraiment cette scène là. Mais sinon à l'époque où je jouais dans Hangman's Chair, on a beaucoup tourné avec Archangel donc j'en ai vu des scènes hardcore, mais je ne peux pas te parler de la scène hardcore, ca n'aurait aucun sens que je te donne mon avis.

- Et du coup où est-ce que vous vous placeriez sur le plan musical ou sur le plan d'une scène?
Si on était obligés de s'identifier à une scène, je te dirais la scène H8000 en Belgique ou Holy Terror avec Integrity, Gehenna ... tous ces groupes là. Des groupes qui font de la musique avec des guitares saturées, qui gueulent et qui est vénèr surtout. C'est le plus important. Pour moi, pour nous, tu ne peux pas faire cette musique là et n'être énervé contre rien, ça n'a pas de sens. Tu ne peux pas faire cette musique-là de manière positive, c'est faux. Ça ne me dérange pas qu'on fasse de la musique positive, mais ne mets pas une guitare saturée et ne mets pas un mec qui gueule, ça n'a pas de sens, fais du blues, fais du folk... fais tout ce que tu veux. On adore la pop, le rap, tout ce que tu veux... le positif ça ne nous dérange pas mais pas dans le hardcore quoi.

-En parlant de ça, j'ai pu notamment relever des influences d'un groupe qui partageait notamment un point de vue similaire, une figure dans le hardcore français... (A.L affiche un petit sourire et lâche un léger soupir)… je parle bien évidemment de Kickback…
Qui ça? *rires*

- Est-ce qu'il y a un rapprochement à faire avec ce groupe en termes d'influences?
Je pense que c'est évident, on ne va pas essayer de se le cacher, mais nous est pas des fans inconditionnels de Kickback. Nous on aime bien un album de Kickback, c'est "No Surrender". Pour nous, la plupart d'entre nous, c'est un genre de chef d'œuvre un peu à part, un disque qu'ils ont sorti après 10 ans de silence, avec un type qui venait du black metal, et ils ont fait un espèce de mélange qui était complètement fou. Je l'ai trouvé génial, clairement. Ils avaient un lineup en or en plus: le batteur Hervé Goardou de Judoboy est un tueur sur ce disque. Il fait la moitié du travail. Damien, ses riffs sont FOUS. Oui on adore un disque de Kickback, et oui on en a pris plein d'éléments, mais on ne se limite pas à "viens on va faire du Kickback". Surtout, je me rappelle quand le disque de Kickback est sorti je me suis dit :« Mais c'est la musique que j'essaye de faire depuis tellement longtemps sans jamais avoir trouvé mon crew. » Avec Cowards j'ai trouvé mon crew et on a fait cette musique-là. Oui on prend plein de trucs de chez eux, à coté de ca il y'a plein d'interviews de Stephen que je trouve hyper intéressantes. Je suis d'accord avec lui sur plein de trucs, mais je suis en désaccord profond avec lui sur plein d'autres trucs aussi.

- Des exemples?
Je trouve notamment très intéressant dans certaines interviews plus récentes depuis qu'il est parti habiter en Thaïlande qu'il te parle de Bouddhisme. Il te parle de qui lui marque dans le Bouddhisme et ce qui ne lui marque pas.  Ça, par exemple, ça fait partie des trucs que je me dis depuis hyper longtemps. J'adore le Bouddhisme, je trouve ça hyper intéressant, mais tu ne peux pas tout prendre du Bouddhisme. Après il se réclame d'un genre de nihilisme actif. Je trouve ça rigolo, mais tu ne peux pas concilier nihilisme et activité. Soit tu détestes tout, sois tu défends des trucs. Et surtout il y a une valeur que nous chez Cowards on défend, qui ne s'entend pas forcément dans la musique qu'on fait, c'est quelque chose qu'on a volé à Crowbar: c'est l'amour.
Tu ne peux pas détester autant sans aimer tout autant. Nous, on parle des trucs qu'on déteste, mais ce que ça sous-tend, c'est qu'on aime plein d'autres trucs, plein d'autres gens. On aime les individus mais on déteste les masses.

- Pour clôturer notre interview: est-ce que tu pourrais nous citer un de tes albums, de tes films et de tes livres préférés?
Disque:
J'adore cette compilation de Gehenna (le groupe américain) qui s'appelle The War of the sons of light and the Suns of Darkness. C'est une compilation avec plein de morceaux avec des prods différentes.
En trucs un peu plus récents j'adore Blind To Faith, qui est un groupe belge et qui est un peu dans cet esprit-là aussi, hyper destroy... un peu à la Eyehategod mais vachement plus teigneux.
Films: J'adore L'échelle de Jacob, Indian Runner et Vol au-dessus d'un nid de coucou. J'aime bien les films qui commencent bien et qui finissent très très mal.
Livres: Un des derniers bouquins qui m'ont vraiment marqué c'est un recueil de nouvelles de Lovecraft, parce qu'il a une écriture géniale. C'est chez Penguin Books et ce qui est génial, c'est que t'as l'intégrale de ses nouvelles et elles sont organisées par ordre chronologique de publication. Du coup tu peux voir l'évolution de son style nouvelle après nouvelle. Il ne se renouvelle pas beaucoup mais il change 2-3 trucs ici et là, et à la fin il arrive à un truc complètement fou.

- Oui, il est aussi passé par des phases durant sa carrière: la partie "macabre", sa phase sur les rêves et puis enfin le mythe de Cthulhu. Il se trouve que j'ai tout lu de Lovecraft!
Ah bah je ne sais pas si tu l'as lu, mais pour mettre en parallèle avec ça, il y a la thèse de Michel Houellebecq sur Lovecraft qui est vachement intéressante !

- Je ne l'ai pas lu par contre.
Il met en parallèle les phases de la vie de Lovecraft avec ses histoires. En fait tu te rends compte qu'à chaque fois qu'il te parle d'un monstre, c'est en fait du racisme de base, pur et dur, parce qu'il avait l'impression de se faire voler tous les boulots qu'il aurait pu avoir par les immigrés. Et puis à un moment donné il se casse de New York et il retourne à Providence, et puis d'un coup il est vachement moins raciste.

- Merci en tout cas de nous avoir accordé cette interview!
Je t'en prie.
 
Un grand merci à A.L, au reste du groupe, et à Matthias Jungbluth et à toute l’équipe du fest, sans lequel cette interview n’aurait pas été possible !
Interview par Robin Ono


Cowards

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